L’instabilité génomique est une caractéristique fondamentale des cellules cancéreuses. Elle désigne la tendance accrue du génome à accumuler des mutations, des altérations chromosomiques et des anomalies de réplication de l’ADN. Cette instabilité constitue à la fois un moteur de la tumorigenèse et une source d’hétérogénéité tumorale, favorisant la progression du cancer et la résistance aux thérapies.
Qu’est-ce que l’instabilité génomique ?
L’instabilité génomique peut être définie comme l’incapacité des cellules à maintenir l’intégrité et la stabilité de leur génome au cours des divisions cellulaires. Alors que les cellules normales possèdent des mécanismes robustes de réparation de l’ADN et de surveillance du cycle cellulaire, les cellules tumorales présentent des défauts dans ces systèmes, ce qui entraîne une accumulation progressive d’anomalies génétiques.
Il existe deux formes principales :
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Instabilité microsatellitaire (MSI) : due à des défauts dans le système de réparation des mésappariements (MMR).
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Instabilité chromosomique (CIN) : caractérisée par des pertes, gains ou réarrangements chromosomiques.
Mécanismes à l’origine de l’instabilité génomique
1. Défauts dans la réparation de l’ADN
Les systèmes de réparation jouent un rôle clé dans la préservation du génome. Leur défaillance contribue fortement à l’instabilité :
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NER (Nucleotide Excision Repair) : corrige les lésions induites par les UV.
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BER (Base Excision Repair) : répare les dommages oxydatifs et alkylations.
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MMR (Mismatch Repair) : corrige les erreurs de réplication.
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HR (Recombinaison Homologue) et NHEJ (Non-Homologous End Joining) : impliquées dans la réparation des cassures double-brin.
Exemple : les mutations de BRCA1/2 altèrent la recombinaison homologue, favorisant le cancer du sein et de l’ovaire.
2. Dysfonctionnement du cycle cellulaire
Les points de contrôle du cycle cellulaire (checkpoints) garantissent la fidélité de la réplication et de la division cellulaire. Leur inactivation (ex. mutation de p53) permet la survie de cellules endommagées et favorise la propagation des anomalies génétiques.
3. Altérations des télomères
Les télomères, extrémités des chromosomes, se raccourcissent avec les divisions. Leur érosion non contrôlée entraîne des fusions chromosomiques et des réarrangements instables. L’activation aberrante de la télomérase contribue à la survie indéfinie des cellules cancéreuses.
4. Stress réplicatif
Une réplication inadéquate ou incomplète de l’ADN peut provoquer des cassures et des réarrangements chromosomiques. Les oncogènes (ex. MYC) exacerbent ce stress réplicatif.
Conséquences de l’instabilité génomique dans le cancer
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Accumulation de mutations oncogéniques
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Activation d’oncogènes (RAS, MYC, etc.).
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Inactivation de gènes suppresseurs de tumeurs (TP53, RB1).
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Hétérogénéité tumorale
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Différentes sous-populations de cellules cancéreuses coexistent au sein d’une tumeur, rendant la maladie plus difficile à traiter.
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Résistance aux traitements
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Les cellules instables développent rapidement des mutations permettant d’échapper aux chimiothérapies et thérapies ciblées.
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Progression tumorale et métastases
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Les anomalies chromosomiques confèrent aux cellules un potentiel invasif et métastatique.
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Instabilité génomique comme cible thérapeutique
La compréhension des mécanismes de l’instabilité génomique a ouvert la voie à de nouvelles stratégies thérapeutiques :
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Inhibiteurs de PARP : efficaces dans les tumeurs avec déficience en recombinaison homologue (BRCA1/2 mutés).
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Immunothérapie : les tumeurs MSI présentent une forte charge mutationnelle, générant des néo-antigènes reconnus par le système immunitaire.
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Stratégies de létalité synthétique : cibler une voie de réparation complémentaire pour exploiter la vulnérabilité des cellules cancéreuses.
Conclusion
L’instabilité génomique est à la fois une cause et une conséquence du développement tumoral. Elle alimente la diversité génétique des cellules cancéreuses, accélère leur adaptation et complique leur prise en charge thérapeutique. Cependant, elle constitue également une opportunité thérapeutique, car les vulnérabilités créées par la défaillance des mécanismes de réparation de l’ADN peuvent être exploitées par des approches ciblées.